Les dessous de l’incroyable cash machine 007

James Bond détient le record des franchises les plus rentables d’Hollywood, grâce à un efficace partenariat avec de grandes marques telles que Heineken, Gillette ou Sony. 

007 Spectre

 

Mieux que Superman, les Transformers ou Captain America, le britannique James Bond est aujourd’hui le super héros le plus « bankable » de l’histoire du cinéma. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis son arrivée sur le grand écran en 1962 (James Bond contre Dr No), le personnage de Ian Flemming a réalisé 6,3 milliards de dollars de recettes dans le monde rien qu’avec l’exploitation en salles et sans compter les nombreux droits TV! A ce jour cela représente 15 milliards en tenant compte de l’évolution du dollar depuis un demi-siècle. Aujourd’hui encore, même les plus anciens épisodes continuent de rapporter beaucoup d’argent car ils sont diffusés plus de 500 fois par an par des chaines de télévision dans le monde. Il y a eu des hauts des bas dans les quelque 26 longs métrages de la franchise exploitée par la société de production britannique Eon, dirigée par Barbara Broccoli et Charles Wilson, les deux héritiers du producteur historique Albert Broccoli décédé en 1996. Mais depuis une vingtaine d’années et l’arrivée de l’acteur irlandais Pierce Brosnan en 1995, puis celle de l’anglais Daniel Craig en 2006, le succès grandissant ne semble pas connaître de limites. Le précédent opus, Skyfall sorti en 2012, a été le premier à dépasser le milliard de dollars de recettes en salles pour (seulement) 230 millions de budget. « Pour son grand retour, le 11 novembre avec 007 Spectre, la production a donné au réalisateur Sam Mendes, les moyens de dépasser son précédent record », révèle Jean-Patrick Flandé, directeur de l’agence Film Media Consultant qui « place » des produits dans les James Bond depuis 1978.

Son crédo: les marques de luxe

C’est l’autre grand talent de 007. Il plait aux annonceurs tout autant qu’au grand public. Contrairement à d’autres aventuriers, il n’est pas un philanthrope. Son credo à lui c’est certes, le service de la Couronne britannique qui lui a octroyé le droit de tuer, mais aussi celui d’un certain art de vivre étroitement associé aux marques de luxe et, comble de chance pour un agent qui a commencé sa carrière dans les années 60, il adore les objets high-tech. Un vrai geek, parfaitement à l’aise avec les objets connectés mais intraitable sur la manière de servir un Bordeaux ou de préparer son martini dans les règles de l’art (il s’agit du cocktail à base de gin et non de la marque appartenant au groupe Martini-Baccardi).

Il lui faut toujours les meilleurs produits: alcools prestigieux (champagne Bollinger, vodka Belvédère, château Angelus…), montre de luxe (Omega), gadgets dernier cri (Sony), les plus belles voitures (Aston Martin, Land Rover, Jaguar)… « Ces produits seraient de toute façon présents dans le scénario, aussi nous nous efforçons simplement de choisir des partenaires qui offriront les meilleurs chances de succès au film, en leur demandant de participer à sa médiatisation », explique Jean-Patrick Flandé. C’est là l’excellente idée des producteurs d’Eon. Plutôt que de se faire payer grassement pour quelques secondes d’apparition de produits à l’écran, ils exigent par contrat que les marques qui ont eu la chance d’être retenues par le réalisateur s’engagent sur un volume d’investissement publicitaire, au moment de la sortie du film. Objectif de l’opération: orchestrer un raffut maximal pour la réussite du film. Aucun habitant de la planète ne doit ignorer l’arrivée du nouveau James Bond. Ainsi, le brasseur Heineken avait dépensé 80 millions d’euros de publicité en 2012 pour faire connaitre son partenariat avec 007.

500 millions de canettes Spectre

Encore plus astucieux de la part des producteurs, ils utilisent tous les supports de communication possibles, du moment qu’ils sont massifs. « Nous avons édité 500 millions de bouteilles aux couleurs de 007 Spectre« , indique-t-on chez Heineken. Un effet planétaire qui ne coûte rien à Eon. « Ces marques profitent de l’univers et de la notoriété de James Bond mais le film lui-même se fait connaître des clients de ces marques », souligne Jean-Patrick Flandé. Au total, c’est plus de 200 millions de dollars de marketing qui sont investis par les partenaires. De quoi créer un battage considérable autour du héros sans que cela coûte un centime aux producteurs.

Cette année Coca-Cola n’est plus dans la course mais Heineken a re-signé. Le résultat est d’une incroyable efficacité. Les films publicitaires à gros budget réalisés par la marque de bière et Sony contribuent autant à la gloire de Bond qu’à elles-mêmes. Ces films permettent à 007 de saturer les écrans publicitaires. Détail croustillant, la marque de smartphones Sony a bien failli être exclue de ce partenariat, bien que la Columbia et Sony Pictures (filiales du géant japonais) co-produisent et distribuent le film. Comme le monde entier l’a appris lorsque le système informatique de Sony a été piraté par des hackers nord-coréens en 2014, le réalisateur Sam Mendes et Daniel Craig ont tenté d’exclure la marque japonaise qui selon eux n’était pas à la hauteur du personnage, malgré les dizaines de millions de dollars proposés. Samsung a bien crû qu’il pourrait en profiter pour se glisser enfin dans l’univers de 007. Mais au final, la logique de groupe a prévalu. Et Samsung a compris l’intérêt d’être présent aussi dans l’industrie des contenus comme son rival japonais. Dans 007 Spectre, la firme Jaguar-Land Rover a aussi été sélectionnée par la production.

Gillette s’invite dans l’univers

Une autre catégorie d’annonceurs participe au battage médiatique autour de 007. Il s’agit de marques qui, sans être présentes dans le film, veulent utiliser l’univers du héros pour doper leurs ventes. Après avoir été approuvée par la famille Broccoli, elles achètent la licence. Cette année l’américain Gillette (groupe Procter & Gamble) s’est offert le droit d’exploiter l’image de l’agent secret contre des royalties sur ses ventes (estimées à 10%). Les fans n’aiment pas voir leur héros associé à des marques de grande consommation mais là aussi, c’est excellent pour toucher un public très large et encaisser de juteuses royalties.

Enfin, une dernière catégorie de partenaires très fidèles accompagne James Bond. Il s’agit de marques qui permettent au héros de conforter son statut de personnage hédoniste. Aston Martin fête plus de 50 ans de collaboration et même si la Rolls de Goldfinger (1964) apparait dans le nouveau film, elle ne peut se targuer d’une telle longévité. Côté alcools, 007 boit français et refuse d’ingurgiter le jus protéiné qu’on lui conseille amicalement pour sa santé dans ses nouvelles aventures. « Nous n’avons certainement pas les moyens de payer pour être présent dans le film, témoigne Hubert de Bouärd, le propriétaire du château Angelus à Saint-Emilion. Si nous apparaissons à l’image, c’est parce que nous avons d’anciennes et chaleureuses relations avec la famille Broccoli ». Le viticulteur reconnait qu’il expédie régulièrement des caisses de son prestigieux cru à la production mais sa participation s’arrête là et rien n’est garanti. « A chaque fois, je découvre comme tout le monde si Angelus apparait ou non ». Pour sa part, il n’interdit pas à ses revendeurs dans le monde entier d’utiliser l’affiche du film et d’expliquer le plus possible qu’il est le vin préféré de 007. Mais au total, ce très prestigieux partenariat ne coûte pas plus de 60.000 euros à sa propriété qui réalise 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. De même, la marque de montre Omega (groupe Swatch) et le champagne Bollinger sont de vieux amis de la famille. « Nous sommes le champagne de Bond depuis 37 ans! » se félicite Jérôme Philippon, le patron de Bollinger qui profite de la sortie du film pour lancer des cuvées et bouteilles à la gloire de l’agent britannique. Il ne sait pas chiffrer les effets de cette coopération sur ses ventes mais le nombre de ses concurrents qui veulent lui prendre sa place prouve à quel point il vaut mieux être parmi les amis de 007 qu’au nombre de ses ennemis.

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