Le 13 novembre 2013 Par ALAIN SPIRA – Paris Match

Du cinéma sur une scène de théâtre, c’est le défi relevé par Polanski avec ce huis clos grinçant et mordant. On ne joue pas au chat et à la souris avec une tigresse…
Dans un vieux théâtre posé comme une bonbonnière rococo oubliée sur un boulevard pluvieux, un metteur en scène (Mathieu Amalric), déprimé par la piètre qualité des comédiennes qu’il a auditionnées, voit débarquer une ultime candidate (Emmanuelle Seigner). Plus détrempée qu’une rescapée du Radeau de la Méduse et plus gouailleuse qu’un rappeur du 9.3, cette aspirante est, à l’évidence, aux antipodes du rôle à pourvoir. L’héroïne d’un livre du fameux Sacher-Masoch dont est adaptée la pièce est une jeune femme de la meilleure société de la fin du XIXe siècle.
Avec une tchatche qui lui ferait vendre des réfrigérateurs au pôle Nord, Vanda (qui par « hasard » porte le même nom que le personnage) finit par convaincre le metteur en scène récalcitrant de lui donner sa chance. Dès les premières répliques sorties de sa jolie bouche fardée, un étrange coup de théâtre se produit. Terminée la diction de pétasse made in téléréalité, la gavroche de banlieue s’est métamorphosée en une créature sophistiquée. Magie du théâtre ou sorcellerie ?
REDOUTABLE MÉTÉORITE CINÉMATOGRAPHIQUE
Redoutable météorite cinématographique, cette comédie au cynisme érudit explose à l’écran en une pluie acide de pure intelligence. Rafraîchissant ! Après « Carnage » adapté d’une pièce de Yasmina Reza, Roman Polanski réussit, une fois de plus, le tour de force de mettre en scène un huis clos sans tomber dans le théâtre filmé. De plus, pour chorégraphier cet explosif pas de deux, le meneur du « Bal des vampires » a retrouvé sa malice si savoureusement malsaine.
Et, en bon masochiste lui-même, le brave Roman n’oublie pas de botter sadiquement les fesses de l’image sacrée du metteur en scène tout-puissant. Surprenante, étonnante, détonante, étourdissante, imprévisible et sexy en diable, cette diablesse d’Emmanuelle Seigner, sous le fouet de son mari, bondit comme une tigresse sur la plus haute marche de son talent – elle aurait d’ailleurs mérité un prix cannois. En face, jouant à l’(im)perfection la maturité juvénile de l’intello shooté à la névrose, Mathieu Amalric interprète en virtuose les notes émotionnelles d’une partition subtile où il est autant question de « jeu » que de « je ». Cette « Vénus à la fourrure » mérite d’être applaudie à s’en faire mal. C’est les masos qui vont être contents…
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