
Samy Naceri au volant d’une peugeot 406 dans le film TAXI (Luc BESSON)
Laissez de côté vos clichés sur ‘ James Bond ‘ et ses voitures de marque : le phénomène de la publicité dans les films n’est pas réservé qu’aux productions hollywoodiennes. Intéressante pour les annonceurs comme pour les producteurs, cette pratique fait, plus que l’on ne croit, les beaux jours du cinéma français.
Le placement de marques au cinéma consiste pour un annonceur à faire apparaître son produit ou sa marque dans un film, contre de l’argent, des services ou un échange de marchandise. Tout peut-être sujet à placement : l’école privée Acadomia dans Les Irréductiblesactuellement en salles, l’eau minérale Evian dans Palais royal de Valérie Lemercier (2005), ou encore le département de l’Ain dans le prochain long-métrage de Luc Jacquet.
Jean-Marc Lehu, maître de conférence en marketing à l’université de Paris-I, souligne les avantages d’une telle pratique. ‘ Pour les annonceurs, c’est une opportunité de communiquer en dehors de l’univers commercial avec une exposition potentielle importante. Après la sortie sur grand écran, il y a le DVD et les diffusions sur les chaînes de télévision. Pour les réalisateurs, l’intérêt est, bien sûr, financier mais peut-être aussi artistique en les aidant à ancrer leur film dans le réel. ‘
L’armée de l’air française a fourni gratuitement à Gérard Pirès, pour son film Les Chevaliers du ciel, des Mirage 2000 construits par Dassault.
De Chanel à l’Armée française
Les contributions financières sonnantes et trébuchantes des annonceurs concernent moins de 1/3 des cas et atteignent des sommes très variables. L’un des records en la matière est détenu par Ford. Il a déboursé 35 millions de dollars pour un contrat d’exclusivité dans l’épisode de James Bond, Meurs un autre jour, de Lee Tamahori (2002).
Autre forme de placement, le ministère français de la Défense et de l’Armée de l’air a mis pilotes et Mirage 2000 à la disposition du réalisateur Gérard Pirès pour les besoins desChevaliers du ciel, sorti en 2005. Quant à la maison de haute couture Chanel, elle a offert une soirée prestigieuse pour l’avant-première de La Doublure de Francis Veber dans lequel, la marque apparaît à plusieurs reprises.
Contrairement aux idées reçues, cette pratique n’a pas commencé en 1982 avec la mise en avant des bonbons Reese Pieces dans E.T. de Steven Spielberg. Le phénomène est presque aussi vieux que le cinéma. Il touche d’abord les Etats-unis dans les années 20, puis la France la décennie suivante. Les plus grands réalisateurs de l’époque, comme Jean Renoir ou Marcel Carné, tournent alors entièrement leurs longs-métrages en studio où ils maîtrisent parfaitement le placement de marques avant la lettre. A l’image du cinéaste Henri Decoin qui s’attarde sur Jean Gabin commandant une bouteille de champagne Bollinger dansRazzia sur la Chnouf (1955).
La France : un marché de niche
Ce qui a changé, c’est la professionnalisation du marché avec la signature de contrats en bonne et due forme, ainsi que l’apparition de sociétés ? » rétribuées à la commission ? » jouant le rôle d’intermédiaires entre la production et les annonceurs. D’autres médias sont maintenant concernés comme les jeux vidéo, le théâtre ou les fictions télévisées. Un glissement sémantique est également à l’oeuvre avec une tendance à parler d’intégration plutôt que de placement de marques.
En France, seules trois à quatre sociétés se partagent le marché depuis la fin des années 70. Parmi elles, Film Media Consultant, créée en 1977 par Jean-Patrick Flandé. Ce dernier relative l’importance du phénomène dans l’Hexagone. Cela reste un marché de niche. ‘ Si l’on part sur une base de 100 films français commerciaux par an avec 7 à 8 placements en moyenne, cela porte à 700 le nombre d’opportunités. Si vous enlevez les films historiques, il reste 500 possibilités de placer son produit. Enfin, si le placement de marques peut-être un complément financier non négligeable, il ne détermine pas l’existence d’un film et représente tout au plus jusqu’à 5 à 6 % de son budget. ‘
En outre, des différences législatives et culturelles persistent, ainsi la France n’est pas la terre promise pour cette pratique. Côté télévision, le CSA veille au grain et ne laisse passer que les placements concernant l’industrie automobile et les institutions. Quant au cinéma, les marques y apparaissent de façon plus subtile qu’aux Etats-unis.
Un scénario comme celui de Seul au monde, le film dans lequel Tom Hanks incarne un cadre de Fedex, ne passerait sûrement pas en France. Mais le dernier verrou du petit écran pourrait bientôt sauter sous l’effet du projet du commissaire européen Viviane Reding qui entend assouplir la directive Télévision sans frontières.
A lire : La publicité est dans le film. Placement de produits et stratégie de marque au cinéma, dans les chansons, dans les jeux vidé…, de Jean-Marc Lehu, Editions d’Organisation, 318 pages.